Entretien
Mgr Pierre Dumas, Président de Caritas Haïti, interviewé lors de son passage à Rome, mercredi.
Quelle est la situation des Haïtiens aujourd'hui ?
La situation est dramatique pour les plus vulnérables : femmes enceintes, enfants des rues, orphelins... Ils vivent dans la dynamique du provisoire et espèrent que les organisations internationales accélèrent leur aide.
De quoi les Haïtiens ont-ils besoin ?
Des tentes, de l'eau, de la nourriture. Il ne faut pas penser uniquement à donner des choses. Il faudrait créer des petits travaux pour que les gens aient du cash rapidement et ainsi soutenir l'économie locale. C'est la meilleure façon d'aider le marché à reprendre puisque tout s'est écroulé, notamment les supermarchés... Les gens ont faim. Les scènes de violence qui se sont produites sont isolées. La majorité des gens est pacifique.
Comment perçoivent-ils l'aide étrangère ?
Les Haïtiens ne veulent pas que l'on agisse à leur place, mais qu'on les accompagne en respectant leurs aspirations profondes. Il faut témoigner beaucoup de compassion envers ce peuple. Il veut être acteur de la reconstruction.
Pourquoi l'aide est-elle freinée ?
Il y a eu, au début, un problème de logistique, qui se résout. Il fallait coordonner les actions, trouver des camions. Ils ont voulu les escorter. Les organisations ont voulu utiliser de gros moyens, les moyens militaires. C'est une approche différente. Je plaide pour que l'on démilitarise cette aide, que l'on parvienne à l'humaniser. Même si la plupart des églises sont tombées, les prêtres sont là, les laïcs sont là, sous les mêmes tentes. On pourrait utiliser l'autorité morale de ces gens pour contenir la foule.
Quelles sont les urgences pour Caritas Haïti ?
Beaucoup de tentes pour loger 200 000 personnes, des kits hygiéniques, de la nourriture, de l'eau (1). Une partie de l'argent a été trouvée, mais il reste encore beaucoup à faire et nous attendons. D'ici deux mois, nous aurons terminé la phase d'urgence. Ensuite on passera à la phase de reconstruction et d'accompagnement des personnes traumatisées. Cette phase devra impliquer tout le monde.
Comme évêque, quelle lueur d'espoir voyez-vous pour les Haïtiens ?
La foi de ce peuple, malgré toutes ses souffrances. Il a des ressources cachées que l'on voit à l'oeuvre dans la manière de vivre cette crise. Des solidarités se sont développées. On doit laisser tomber les discriminations. On veut essayer de vivre autrement, dans l'unité. Le peuple haïtien se donne la main avec un nouvel espoir pour faire les choses avec plus d'humanité, de compassion, de fraternité.